Ne partir de rien et lever 2 milliards d’euros
Après avoir levé un montant initial de 250 millions d’euros à l’appui de son centre d’innovation de Grenoble, Verkor a rapidement pu mobiliser davantage de fonds, dont 650 millions d’euros de subventions publiques au titre du plan France 2030. Ce plan doit permettre de rattraper le retard industriel français, d’investir massivement dans les technologies innovantes ou encore de soutenir la transition écologique. Parmi les subventions figuraient 60 millions d’euros de la région Hauts-de-France et 30 millions d’euros de la Ville de Dunkerque.
« Ils ont démarré en 2020 et, en quatre ans, ils ne sont partis de rien et sont parvenus à lever 2 milliards d’euros en vue de la construction d’une immense usine », s’enthousiasme Olivier Kueny, qui a travaillé sur l’accord entre Verkor et la Banque européenne d’investissement. « Cette opération coche toutes les cases. Il s’agit d’une jeune pousse européenne innovante, qui facilite la transition écologique du secteur automobile européen et renforce la compétitivité de l’Europe sur la scène internationale dans un secteur clé. »
En avril 2024, la Banque européenne d’investissement a approuvé un autre prêt direct de 270 millions d’euros en faveur de Verkor, afin de contribuer à la construction de sa giga-usine de Dunkerque, avec le soutien d’InvestEU. En outre, la Banque prévoit de signer des prêts intermédiés avec des banques commerciales participantes, ce qui pourrait porter son financement du projet à un total de 400 millions d’euros.
Verkor a également reçu des financements de 16 autres banques, bénéficiant d’une garantie partielle de Bpifrance. Une autre institution publique française, la Banque des Territoires | Groupe Caisse des dépôts, a également soutenu le projet en consentant un prêt de rang inférieur de 150 millions d’euros.
Risques de marché, risques technologiques
Tous ces investissements ne sont pas dénués de risques.
« Lever des milliards en fonds propres et en prêts sur le marché des batteries de véhicules électriques n’est pas une mince affaire, pour des jeunes pousses comme Verkor », déclare Olivier Kueny. « La demande de voitures électriques et les prix des matières premières sont très volatils, et ces mégaprojets sont confrontés à des risques technologiques, de marché et de construction qui font que la structuration des financements est une opération délicate pour les promoteurs et les bailleurs de fonds. »
L’une des raisons de la baisse de la demande est l’arrêt des subventions et des avantages fiscaux en cas d’achat de véhicules électriques dans de nombreux pays européens. Une autre est le manque d’infrastructures de recharge que l’on constate dans toute l’Europe. (Environ 70 % des bornes de recharge présentes sur le continent sont concentrées en France, en Allemagne et aux Pays-Bas).
Mais Benoît Lemaignan est tout sauf inquiet : « La croissance ralentit peut-être, mais pas de beaucoup. Et quoi qu’il arrive, la part de marché des véhicules électriques devrait être de 25 % d’ici à 2025. »
Un secteur compétitif
Les batteries représentent entre 30 % et 50 % du coût d’un véhicule électrique, et ce dernier reste plus cher qu’une voiture thermique comparable. Les constructeurs automobiles s’efforcent de réduire les coûts, afin que les voitures électriques de fabrication européenne puissent être compétitives par rapport aux voitures thermiques et aux véhicules électriques produits en Asie.
« C’est un secteur très concurrentiel », déclare Jonas Wolff, ingénieur en chef à la Banque européenne d’investissement. « Il existe un risque technologique, car les fabricants repoussent constamment les limites pour que les cellules fournissent davantage d’énergie, afin de pouvoir baisser leur prix. »
Comment procèdent-ils ?
La cathode, un composant clé d’une batterie lithium-ion, par exemple, est constituée d’un mélange de nickel, de manganèse et de cobalt auxquels sont ajoutés du lithium et d’autres métaux. « La recette de ce mélange est protégée par des droits de propriété industrielle », poursuit Jonas Wolff.
Les métaux sont coûteux et très volatils ; leurs chaînes d’approvisionnement et les procédés d’extraction et de fabrication sont complexes. Les fabricants ont tendance à réduire la quantité de métaux onéreux et volatils dans le mélange afin de réduire les coûts et d’accroître la stabilité des prix. Ils doivent également tenir compte des questions de conformité liées aux chaînes d’approvisionnement, qui sont souvent situées dans des pays n’appartenant pas à l’Union européenne.
« Nous essayons d’avoir une production locale de matériaux, mais si ce n’est pas possible nous nous approvisionnons en ’Europe ou au-delà », explique Benoît Lemaignan. « Certains matériaux proviendront encore d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie. Mais en règle générale, nous nous approvisionnerons en lithium en Europe. Nous disposerons de nickel venu d’Europe et nous achèterons du cobalt au Maroc. Nous développons ces chaînes de valeur avec Renault. »
Fabrication de batteries et création d’emplois
L’implantation de la giga-usine à proximité du port de Dunkerque facilitera l’importation de matières premières et l’exportation de produits finis vers les usines de Renault. Dotée de quatre chaînes de production, la giga-usine devrait fabriquer des cellules de batterie pouvant équiper jusqu’à 300 000 véhicules par an. Le projet devrait également créer entre 1 500 et 2 000 emplois à Dunkerque d’ici à 2030.
La construction de la giga-usine avance rapidement, selon Georges-Marie Desmoulière, de Verkor. « Les machines devraient arriver en juin. Nous procéderons à certains tests d’acceptation sur site dans les mois à venir, et la livraison des produits finis à Renault devrait démarrer au second semestre 2025. »