Avancer vers les étapes ultérieures du parcours scientifique
Le financement de BioNTech est un exemple parmi des dizaines d’autres qui illustre comment des emprunts à risque contractés auprès d’une banque publique sont importants pour soutenir des entreprises du secteur des maladies infectieuses à accéder aux étapes ultérieures du développement, déclare Cristina Niculescu, experte en santé à la Banque européenne d’investissement. Le secteur privé est réticent à investir dans ce domaine de l’économie car les sociétés du secteur sont souvent de jeunes pousses ou des entreprises ayant peu d’antécédents. De plus, il est difficile de prédire si une innovation débouchera sur une réussite.
« BioNTech, c’est le récit d’une aventure passionnante, précise Cristina Niculescu ; en effet, cette entreprise de biotechnologie européenne, dotée d’un formidable savoir scientifique, fait dorénavant partie des précurseurs dans la mise au point d’un vaccin ; or, c’est une société que nous avons déjà soutenue par le passé. »
BioNTech, c’est aussi une belle histoire d’égalité entre les sexes et d’immigration. Les femmes représentent un pourcentage élevé de ses collaborateurs et les parents d’Özlem Türeci comme ceux d’Uğur Şahin, originaires de Turquie, sont arrivés en Allemagne à la fin des années 60. « Les immigrants représentent un apport formidable, ici en Allemagne mais également dans toute l’Europe », déclare Özlem Türeci, directrice médicale de BioNTech. « Ce serait difficile de faire de la recherche médicale, comme nous le faisons, sans l’immigration ».
Au cours des deux dernières décennies, le tandem s’est taillé une réputation de bourreaux de travail, entièrement dévoués à la recherche scientifique. En 2002, le jour de leur mariage, ils ont d’abord enfilé leurs blouses de laboratoire pour quelques heures de travail avant la cérémonie. Leur style décontracté est également un atout qui favorise l’investissement de leurs 1 500 collaborateurs ou presque. Özlem Türeci et Uğur Şahin, qui est directeur général de BioNTech, ne possèdent pas de voiture. Ce dernier vient tous les jours au travail à vélo et il n’est pas rare qu’il arrive en réunion vêtu d’un jeans et tenant son casque à la main.
Le parcours vers le vaccin contre le COVID-19
Mari et femme ont cofondé BioNTech en 2008 dans le but de développer des traitements contre le cancer. Ils voulaient alors détenir leur propre entreprise afin d’accélérer les innovations et la mise au point de nouvelles thérapeutiques. Au cours des dix dernières années, la réussite de l’entreprise a érigé le couple en modèle du genre aux yeux des scientifiques qui se veulent aussi entrepreneurs. BioNTech a commencé à consacrer ses travaux de recherche au vaccin contre le COVID-19 en janvier dernier. Le projet consacré au COVID-19 a été baptisé « Lightspeed » et les deux dirigeants ont expliqué aux centaines de scientifiques qui travaillent chez BioNTech que 2020 allait être une année difficile.
Nombre de collaborateurs ont alors annulé leurs vacances d’hiver. L’entreprise a organisé le travail en équipes de jour et de nuit. Les laboratoires sont restés ouverts le week-end afin de donner un coup d’accélérateur à un projet dont l’achèvement prend habituellement plusieurs années. BioNTech s’est associée à l’entreprise pharmaceutique Pfizer pour élargir le périmètre de son savoir-faire dans les essais cliniques et la distribution de vaccins.
Le vaccin de BioNTech se démarque des vaccins usuels contre la grippe ou la rougeole, lesquels emploient une forme inactive ou affaiblie du virus en guise de traitement. BioNTech, et plusieurs autres sociétés en lice, ont recours à une technologie qui utilise un petit morceau non infectieux d’information génétique, baptisé ARN messager, qui est injecté dans les tissus musculaires. Les cellules du corps sont incitées à produire des protéines virales ressemblant aux pointes du nouveau coronavirus. Ces nouvelles protéines stimulent la fabrication par le système immunitaire d’anticorps qui préviennent la maladie. Le vaccin proposé par BioNTech requiert deux injections pour être efficace.
À la suite du succès des premières analyses des essais menés par BioNTech, l’innocuité et l’efficacité du vaccin sont de rang égal à celles d’autres vaccins très efficaces dans la lutte contre des maladies comme la rougeole. Özlem Türeci reconnaît toutefois qu’il reste encore beaucoup de travail à faire avant qu’elle-même et son époux puissent savourer une autre tasse de thé.
« Nous devons maintenant évaluer la durée de l’immunité », déclare-t-elle. « Nous avons coché la première case. Il nous reste encore toutes les autres à remplir. »